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L’année 2022 se clôture, et plus de 300 films sont parus dans nos salles obscures. Malheureusement, ce chiffre n’a pas suffi à électriser les foules, car le nombre d’entrées en salle est encore inférieur aux résultats d’avant la pandémie. En effet, les blockbusters tels que Top Gun Maverick (Joseph Kosinski) sont les arbres cachant la forêt, puisque de moins en moins de français se dirigent vers les salles de projection. A la place, il y a une croissance explosive des abonnements sur les diverses plateformes de streaming. Cela s’explique par plusieurs facteurs, le plus important étant le prix des tickets.

 

Par ailleurs, les films capitalisant sur des têtes d’affiche, comme Plancha (Eric Lavaine), n’ont pas rencontré le succès escompté ; tandis que des comédies ou des thrillers inattendus ont su conquérir un large public – notamment L’innocent (Louis Garrel) ou Novembre (Cédric Jimenez). En somme, le cinéma français est majoritairement dominé par des films ronflants et anecdotiques, mais recèle quelques belles trouvailles. Ce statu quo est opérant depuis longtemps et le 7e art français ne semble pas prêt de bouger. Espérons que l’arrivée de films à gros budget français en 2023, tels que Les Trois Mousquetaires (Martin Bourboulon ; 2023), pourra redynamiser un cinéma grignoté par les plateformes de streaming.

Ceci étant dit, le cinéma français et international n’a pas lésiné en surprises, car une multitude de longs métrages sont parus sur nos écrans cette année. Voici un top cinq de ceux m’ayant marqué :

           5) La Nuit du 12 (Dominik Moll ; France)

 

La nuit du 12 octobre, Clara est assassinée. Lorsqu’elle rentre chez elle après une soirée, elle est aspergée d’essence et est brûlée vive. Pour cette enquête, Marceau et le capitaine Yohan vont devoir rencontrer les multiples suspects, tous proches à un certain degré de la victime. Les interrogatoires vont rapidement devenir houleux et faire monter le doute au sein des policiers.

 

Si les films d’enquête sur un féminicide tombent généralement dans la quête introspective de l’inspecteur cherchant à régler ses déboires plutôt que l’assassinat, La Nuit du 12 déroge enfin à la règle, et nous emporte dans une investigation ne perdant jamais de vue son but initial : qui a tué cette jeune femme ? Ce film prouve qu’une enquête est une entreprise de longue haleine, parfois sans réponse, et complexe par la vision rétrograde que le système judiciaire porte sur les femmes victimes d’agression. Si l’accent est mis sur une opposition des visions des deux inspecteurs, ce long-métrage n’oublie pas que le féminicide est le point central de son intrigue, et nous souligne le décalage entre les moyens prévus par la loi et ceux mis à disposition pour ce genre d’affaires. En somme, un excellent thriller français puissant, et nous laissant avec un goût doux-amer – tout comme Memories of Murder (Bong-Joon Ho ; 2002).

           4) El Buen Patron (Fernando León de Aranoa ; Espagne)

 

Julio Blanco est le dirigeant charismatique d’une entreprise de balances industrielles. A l’approche d’une commission pouvant lui remettre un ultime prix pour sa carrière d’entrepreneur, tout se complique à sa fabrique. Entre crises d’égo, de la quarantaine, et domestique, ce patron va devoir régler tous les ennuis que lui posent ses salariés.

 

Acclamé en Espagne, El Buen Patron est une superbe satire de la société hispanique (mais qui s’étend très largement à celle européenne). Cette entreprise de balances industrielles devient le parfait environnement pour illustrer les rapports de force entre les différentes strates salariales, surplombées par le bureau du grand patron. La plus-value de ce long-métrage est à n’en pas douter Javier Bardem, campant un homme infidèle, calculateur et manipulateur à la perfection. Ses manœuvres poussent cet homme d’affaires à avoir des comportements illicites, allant jusqu’à rentrer dans le privé de ses employées pour obtenir toujours plus. Un personnage vicieux que Bardem nous rend pourtant immédiatement attractif. Malgré une fin qui divise en raison de la conclusion de son protagoniste, El Buen Patron demeure jouissif par sa transgression et son message politique corrosif.

           3) Triangle of Sadness (Ruben Östlund ; Suède)

 

Carl et Yaya sont des influenceurs populaires dans le monde de la mode. Au frais d’une compagnie de voyage, le couple est invité sur un yacht pour profiter d’une croisière. Une hiérarchie sociale stricte y est imposée et dictée par la richesse. Pourtant, tout va basculer lorsque l’embarcation est renversée par une tempête. Une partie de l’équipage survivant se retrouve bloquée sur une île déserte et va devoir survivre.

 

Définitivement, Ruben Östlund est un cinéaste acerbe ; et comme pour son précédent film The Square (2017), la cible dans son viseur est la bourgeoisie moderne. Triangle of Sadness se moque, se moque, et continue inexorablement de se moquer. Pourtant cette moquerie est si subtilement amenée, qu’on ne peut que constater la déchéance de cette strate de la population si riche qu’elle en a perdu tous ses états d’âme. En effet, ce long-métrage offre des séquences ridiculisant à la perfection l’idiotie des fortunés (surtout lors du repas final). Ce yacht est ainsi à l’image de ces milliardaires : flamboyant mais incapable d’agir lorsqu’une tempête approche. Suite à ce spectacle excessif, on peut tout même déplorer une troisième partie traînant en longueur. Malgré tout, cette fin de film n’enlève en rien le plaisir d’avoir assisté avec humour à une telle débâcle de la part de ces personnes d’un autre monde.

           2)  Nope (Jordan Peele ; Etats-Unis)

 

Nope retrace l’histoire d’OJ et Emerald, deux éleveurs de chevaux dans le désert Californien. Suite à la mort de leur père de manière inexpliquée, ils remarquent des activités inhabituelles dans le ciel, juste au-dessus de leur ranch. Avec l’aide d’Angel – un vendeur de caméras de surveillance – le trio tente d’élucider ces phénomènes paranormaux et de prendre une photo de cet engin volant se cachant dans les cieux.

 

Nope a d’ores et déjà était traité dans un article, et il n’est donc pas nécessaire de s’étendre plus amplement sur le sujet. Néanmoins, il est certain que la dernière création de Jordan Peele est une surprise au sein du paysage cinématographique. C’est un plaisir de voir un important blockbuster délivrer autant de messages sur différents thèmes, tels que la blacksploitation ou la maltraitance animale. Même si certains sous-textes restent encore floues à ce jour, Nope n’est pas avare en grand spectacle et certaines séquences restent gravées dans la mémoire.

           1) The Batman (Matt Reeves ; Etats-Unis)

 

Gotham est une ville moribonde. La délinquance est omniprésente, les inégalités sont croissantes et la corruption est monnaie courante. Pourtant, depuis deux ans, un vengeur masqué a fait son apparition dans les allées sombres de la métropole. Malgré ses efforts pour stopper la criminalité, le chevalier noir doit faire face à un tueur en série qui a décidé d’assassiner les puissants de Gotham. Nommé Riddler, ce meurtrier affirme vouloir rétablir la vérité et faire tomber les masques.

 

Tout comme Nope, The Batman a déjà fait l’objet d’une critique. Et tout comme Nope, il est infécond de revenir sur ce qui fait le charme du film. Matt Reeves a su donner un second souffle au vengeur masqué (qui en avait grandement besoin), et a institué Robert Pattinson comme l’actuel chevalier noir au cinéma. Même si le film souffre de quelques lacunes (notamment un scénario embrouillé et trop étendu), The Batman s’avère être l’œuvre d’un auteur. Par toutes ses influences, son ambiance sombre et son approche pessimiste, ce Batman est définitivement un film qui nous affecte. Imparfait certes, mais la volonté de bien-faire transforme l’exercice de Matt Reeves en quelque chose de particulièrement savoureux. Et c’est peut-être cela qui fait le charme de ce film finalement, cette envie de proposer toujours plus – en opposition à d’autres productions de super-héros calibrées pour être « correctes mais sans plus » en tout point. Et ce travail a porté ses fruits puisque The Batman s’accorde le droit à une suite pour 2025.

L’impossibilité de parler de tous les films sortis dans les salles obscures (voire même sur les plateformes de streaming) rend la conclusion de cette rétrospective imparfaite. Pourtant, entre les navets, les films d’auteur surprenants, et les imposants blockbusters (surtout Avatar 2 : The Way of Water ; James Cameron), 2022 a été une année riche pour le 7e art. Ainsi, pour ne pas terminer sur seulement cinq œuvres, voici une liste de dix mentions honorifiques pour rattraper (ou revisionner) les parutions de cette année :

 

  • A Plein Temps (Eric Gravel ; France)
  • Aftersun (Charlotte Wells ; Royaume-Uni)
  • All Quiet on the Western Front (Edward Berger ; Allemagne)
  • Bones and All (Luca Guadagnino ; Etats-Unis)
  • Decision to Leave (Park Chan-Wook ; Corée du Sud)
  • En Corps (Cédric Klapisch ; France)
  • Everything Everywhere All at once (Dan Kwan, Dan Daniel Scheinert ; Etats-Unis)
  • Les Vedettes (Jonathan Barré, Grégoire Ludig, David Marsais ; France)
  • Licorice Pizza (Paul Thomas Anderson ; Etats-Unis)
  • The Banshee of Inisherin (Martin McDonagh ; Irlande)

Alexandre

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Une réponse sur « Bilan 2022 »

Coucou Alex et Bonne Année !
Mes découvertes ciné depuis l’automne : Armageddon Time +++( pour Anthony Hopkins), Reste un peu ( Gad el Maleh étonnant), Les bonnes étoiles (Kore-eda), La nuit du 12 +++, En corps ++, The Banchees d’Inisherin ( avec le sous-titrage)+++, Vivre (également sous-titré) avec un acteur magnifique, so british.
Et un gros Bof pour Les miens.
Ce n’est que mon ressenti !
Bizzz

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