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En guise de prémisse, le sujet de cet article nécessite votre entière coopération. En effet, il est bon de se laisser guider par l’analogie que vous allez découvrir. Elle peut sembler complexe ou dérisoire, pourtant elle transmet une théorie concrète. En plus de cela, il faut également se projeter dans un futur proche. Tout ce qui va être énoncé est spéculatif et votre travail n’est pas d’adhérer à ma parole mais de vous questionner à la proposition que je vais vous soumettre. 

 

Partons du principe que le cinéma connaît des cycles, des renouvellements constants ; qu’au 7e art, les acteurs, les cinéastes, les genres se renouvellent continuellement en raison de facteurs économiques ou politiques. De ce point de vue, il est constant qu’un genre cinématographique atteint son hégémonie à une certaine période, avant de subir un déclin (parfois brutal). A titre d’exemple, les films de gangsters ont connu un âge d’or dans les années 1940 car le ton ambigu qui se dégageait de ces œuvres était en adéquation avec l’ambiance morose du conflit mondial. Mais le ton jovial imposé par le gouvernement étasunien à l’aube de la guerre froide a poussé le cinéma à abandonner l’atmosphère défaitiste de ses films. Outre les phénomènes politiques, c’est parfois le public qui rechigne face à un genre cinématographique et cherche du divertissement ailleurs. L’exemple le plus frappant reste le péplum dont la perte d’intérêt a considérablement cru. Ce type d’exemple peut évidemment être pluriel.

 

Hormis ces illustrations, deux styles vont nous intéresser afin de proposer une analyse comparative. L’un est un style aussi vieux que le cinéma ; l’autre connaît un succès crescendo depuis les années 2000. Vous l’aurez deviné, ces deux genres sont le western et les films de super-héros. Avant de débuter cette étude cinématographique, il doit être souligné qu’aucun de ces deux styles du 7ème art ne sera traité comme étant supérieur à l’autre. De plus, même si ces deux genres paraissent incompatibles, et à raison, le point à étudier ici n’est pas leur concordance artistique, mais bien leur ressemblance sur leur cycle de vie.

Faisons un point historique et rappelons que le western existe depuis la naissance du 7e art. C’est à partir des années 1940, et jusqu’aux années 1960 que le western gagne en popularité avec une profusion de films sortant dans les salles obscures. John Ford devient le pionnier du style en imposant la figure de John Wayne, Gary Cooper ou encore James Stewart, ainsi que le cliché des « amérindiens » avides de sang. Lui et d’autres cinéastes posent les bases du genre en rodant les histoires, les archétypes et les caricatures. Cette période est prolifique et de nombreuses œuvres marquent encore le cinéma actuel, telles que La chevauchée fantastique (1939 ; John Ford), La prisonnière du Désert (1956 ; John Ford) ou encore Rio Bravo (1959 ; Howard Hawks).

 

Le public est évidemment au rendez-vous et ces films culminent dans le panthéon du cinéma. Néanmoins, comme vous l’aurez compris dans l’introduction de cet article, un déclin a suivi cette apogée. La faute à plusieurs facteurs dont le fait que la jeunesse américaine ne se retrouvait plus dans ces histoires de vieux cow-boys, et que les acteurs des premiers temps – plus particulièrement John Wayne – affichaient un caractère poussiéreux. Même si certaines œuvres – comme dans L’Homme qui tua Liberty Valance (John Ford ; 1962) – ont vainement tenté de réunir les grands acteurs de cette période afin de galvaniser un public fébrile, la nouveauté s’est faite ailleurs. L’arrivée du western spaghetti et révisionniste a tordu le genre et dynamité les codes classiques, insufflant un vent de modernisme. On peut notamment penser à La trilogie du dollar (1964 – 1966 ; Sergio Leone), Josey Wales hors-la-loi (1976 ; Clint Eastwood) et Little Big Man (1969 ; Arthur Penn) ; dont la plupart de ces œuvres étant des incontournables.

 

Outre ce changement d’identité, le western a, au fil des époques, perdu en popularité auprès du public. Ainsi, même les œuvres de Sergio Leone qui connaissaient un succès retentissant dans les années 1960, ont fané à l’aube des années 1970. Le Nouvel Hollywood et l’arrivée de l’ère du blockbuster (1975) vont définitivement entériner le western. La boucle est alors complète. L’âge d’or a succédé à une déchéance ; et ce ne sont aujourd’hui plus qu’une poignée de films traitant du western qui sont tournés chaque année.

Afin de saisir la pertinence d’une comparaison entre les films de western et ceux de super-héros, il est nécessaire de faire un tour dans l’histoire de ce dernier. Depuis la création des comics dans les années 1930, les films mettant en scène des personnages en collant ont jalonné l’histoire du cinéma. Néanmoins, ces œuvres filmiques étaient largement mineures et n’avaient souvent que très peu de budget. Ce sont les années 2000 qui ont véritablement offert les lettres de noblesse au genre du super-héros. X-men de Bryan Singer (2000) et Spider-Man de Sam Raimi (2002) ont défini le style et ont prouvé qu’un film traitant de super-héros pouvait être pris au sérieux.

 

L’enchaînement est inéluctable, et les projets super-héroïques fleurissent, en particulier le projet MCU avec Iron Man (2008 ; Jon Favreau). Une aubaine pour l’écurie Disney qui domine le box-office depuis maintenant quinze ans. Dans cette course à la production et à la rentabilité, d’autres filières se sont lancées dans la bataille et moults films de super-héros sortent chaque année – provenant principalement du concurrent DC Comics. Ainsi, cela fait plus de vingt ans que chaque année, quatre voire sept longs métrages abordent le super-héros. Dans cette perspective, serait-il possible, à l’instar du western, que ce genre périclite ?

 

Dans un système capitaliste, le concept principal est l’accroissement de la vente de produits industriels. Alors que les années 2000 – 2010 étaient une période où les stand-alone (lorsque le héros est seul face à une menace) était une valeur assurée, le film Avengers (2012 ; Joss Whedon) redistribue les cartes. Désormais, c’est le groupement de super-héros qui fait marcher l’industrie. Le box-office de ce film, d’un milliard de dollars, fait que les studios ne vont plus que parier sur le rassemblement de figures iconiques. Justice League (2017 ; Zack Snyder) laisse une belle cicatrice dans l’histoire du cinéma en voulant capitaliser sur une convergence de super-héros, sans avoir pris la peine de nous les avoir présenté au préalable. Certaines œuvres et certains créateurs ont malheureusement laissé des plumes dans cette course au succès.

Pour autant, le genre continue de s’accélérer et le rassemblement final avec Avengers Endgame (2019 ; Joe Russo) clôture un arc narratif vieux de dix ans, en devenant l’un des plus grands succès du cinéma. Beaucoup d’acteurs des premiers temps parachèvent leur rôle et le film s’affirme comme la plus grande réunion de super-héros,  avec plus de trente personnages connus et reconnus sur grand écran. Que peut-on alors attendre de Marvel après ce feux d’artifice de personnages, d’actions et d’histoires ? Pour certains, le rideau rouge s’est baissé. Néanmoins, Disney ne reste pas sans voix et prévoit déjà les futurs films de son catalogue jusqu’en 2030, voire plus.

 

Pour cette nouvelle décennie, la machine Marvel et DC Comics n’est pas près de s’interrompre. Un problème épineux émerge cependant du fait que les comédiens des premiers films ont signé leur retraite et qu’une nouvelle génération a comme devoir de reprendre flambeau. Le souci qui en découle est qu’il est difficile de repartir dans l’ère des stand-alone. En effet, le public est si habitué au spectacle visuel faisant intervenir des dizaines de personnages qu’il serait une gageure de ne pas continuer sur cette lancée. Certains protagonistes s’en sortent du fait de leur renommée (notamment Batman de Matt Reeves ; 2022) mais Marvel semble perdre pied face à la demande toujours plus croissante du public pour ce genre de crossover de super-héros.

 

Pour échapper à ce guêpier, Marvel (et bientôt DC Comics) a de manière abrupte résolu l’énigme. La réponse est toute simple : si les acteurs du début du MCU (2008 à 2012) ont signé leur retraite, pourquoi ne pas faire revenir les acteurs du début du genre (1989 – 2007) ? Pour être plus précis, le souhait est maintenant de faire revenir les premiers acteurs de Spider-Man (2002 ; Sam Raimi) ou de Batman (1989 ; Tim Burton) dans les œuvres contemporaines. Ainsi, Tom Holland se voit offrir le privilège d’avoir comme partenaires Andrew Garfield et Tobey Maguire, tous deux d’anciens Spider-Man à l’écran. Les amoureux de la première génération sont ravis et ceux de la nouvelle continuent de suivre les aventures de leur super-héros préféré.

 

Ce phénomène s’observe déjà dans Spider-Man : No way home (2021 ; John Watts), Doctor Strange : into the multiverse of madness (2022 ; Sam Raimi), et sera bientôt perceptible dans Flashpoint Paradox (2023), où Michael Keaton reprend le costume de chauve-souris pour la troisième fois. L’idée ici n’est pas de juger l’utilisation pécuniaire de cette technique ; en revanche, le bât blesse lorsqu’il est question de l’avenir de ce processus créatif. Dès lors que Marvel et DC Comics vont épuiser tous les anciens acteurs et que le concept même de « multivers » va s’essouffler, comment relancer la machine ? Beaucoup diront que le multivers offre des possibilités infinies et que le genre ne peut pas mourir. Pour autant, si les studios ne font que puiser dans cette ressource narrative, le public pourrait bien se lasser d’un énième récit voguant dans le multivers.

Est-il alors possible que Marvel et DC Comics aient atteint un point de non-retour ? Encore une fois, tout n’est que supposition. Pour autant, alors que le western semblait être au sommet de son art dans les années 1960, il n’a fallu qu’une décennie pour détrôner ce genre – pourtant le plus populaire de son époque. L’idée ici n’est pas de pointer du doigt une perturbation dans l’art ou au sein du marché cinématographique, mais seulement de prendre conscience que si la course effrénée des deux studios continue à cette allure, la chute risque d’être brutale. Les effets de cet essoufflement se font déjà ressentir puisque de nombreux films ou séries récents reçoivent des critiques véhémentes, comme le stand-alone Shang-Chi (2021 ; Destin Daniel Cretton) qui s’est vu reprocher son caractère « ennuyeux ». Certaines œuvres sortent même sans être correctement achevées ; à l’instar de Spider-Man : No way home dont l’équipe des effets spéciaux a avoué que la 3D n’était pas prête pour la sortie en salle.

 

Pour résumer, cet article s’apparente à un message sibyllin. Si nous suivons les grandes lignes de l’histoire du cinéma, alors le genre du super-héros est voué à péricliter à l’aube des années 2030. Pour l’instant, cette possible semble nébuleuse, voire impossible. Marvel et DC Comics dominent le marché et leur suprématie semble éternelle. Pourtant, si le public n’est plus au rendez-vous, l’ampleur des ambitions importe peu, et c’est tout l’empire s’écroule. Mais il est également possible que toute cette prédiction soit erronée, et que le super-héros survive pendant de longues années. Seul le temps nous le dira.

Alexandre

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