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L’Oeuvre sans auteur

L’Oeuvre sans auteur

Réalisateur : Florian Henckel von Donnersmarck
Scénario : Florian Henckel von Donnersmarck
Sortie : 2018
Acteurs : Tom Schilling, Sebastian Koch, Paula Beer
Note du film : 9/10

Entre Art et Politique, il n’y a souvent qu’un pas. Lorsqu’un régime est dictatorial, l’Art est un instrument du pouvoir. Pourtant, Florian Henckel von Donnersmarck dans L’œuvre sans auteur, contredit magnifiquement cette pensée. Il affirme que l’Art, dans toutes ses formes, est immuable, personnelle et ne peut être assujetti.

 

Pendant trois heures, s’écoulant avec douceur, la peinture est le moteur du héros. Déjà enfant, le personnage de Kurt rêve de devenir peintre. Cela s’affirme à l’adolescence lorsqu’il s’inscrit à l’école des beaux-arts de Dresde. Cependant dans la politique de la RDA, toute peinture est brimée par la propagande. Ne pouvant peindre à sa guise, il décide de fuir vers la RFA, afin de libérer son talent artistique.

Au début de sa vie étudiante, Kurt rencontre l’amour auprès de Ellie – nous offrant, ici, l’une des plus belles histoires d’amour au cinéma. Dans sa belle-famille, le père, ancien médecin nazi, devient l’antagoniste principal. Aucuns mots ne peuvent définir la haine que l’on éprouve envers ce personnage. Froid, méthodique, pervers, le professeur Seeband était un ancien SS et partisan des politiques d’extermination.

 

Outre l’amour inconditionnel que porte le film sur l’art, le réalisateur fait resurgir à la surface les atrocités que l’Allemagne a connu. D’un côté, le régime nazi opérant des plans eugéniques afin d’éliminer les « non-conformes » de la société, dont le professeur Seeband était un chef d’orchestre ; d’autre part, le système communiste de la RDA imposant une pensée unique.

Dans ces deux régimes dictatoriales, l’Art est muselé. Lors de la scène d’introduction, Kurt et sa tante assistent à une exposition d’art « dégénéré ». Toutes ces œuvres d’arts dénoncent les horreurs de la première guerre mondiale. Cependant, au travers de la propagande hitlérienne, ces représentations sont perverses. Elles sont impures pour le peuple qui doit voir, en la guerre, un moyen d’agrandir son « espace vital » et d’anéantir les ennemis de la patrie.

 

Plus tard, dans l’Allemagne communiste, les formes d’art doivent servir le peuple. Il n’existe pas d’expression artistique personnelle. Le « moi » est prohibé lorsqu’un artiste produit une œuvre. Kurt s’efface et peint pour le « bien commun ». Néanmoins, même en étant devenu un peintre distingué, il ne tire aucun plaisir de cette notoriété. Le jeune homme se sent étouffer par l’écrasant diktat du « réalisme social ».

Dès sa traversée de l’Allemagne, Kurt et Ellie se rendent dans la ville de Düsseldorf. Là-bas, le jeune homme peut enfin laisser libre cours à son imagination. Auprès de ses amis étudiants et de son professeur, Kurt entreprend de se surpasser artistiquement. Malgré tout, après vingt ans de censure, le peintre se retrouve anéanti face au tourment de la « page blanche ».

 

Son professeur le confronte et lui rappelle la vacuité de chercher l’art parfait. Personne n’est identique et chaque individu produit quelque chose de personnel. Le pire, pour un artiste, est de reproduire les œuvres de ses compères. Kurt a donc la lourde tâche d’exposer son art dissimulé.

 

Tout le film peut être défini par sa grande sobriété. Les cadres sont à échelles humaines, exceptés lors des scènes de bombardements, nous rappelant la violence des combats. Les lumières réalistes subliment les décors, mais surtout les peintures de Kurt. Enfin les acteurs offrent ici une prestation exemplaire, jonglant parfaitement entre humour, scène d’amour et moments émotions. L’œuvre sans auteur est un film sur l’art, la guerre, la propagande, l’amour et la liberté. Dans tout cela, Henckel von Donnersmarck invite à nous éveiller à l’art.

Alexandre

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