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Billy Elliot

Réalisateur : Stephen Daldry
Scénario : Lee Hall
Sortie : 2000
Acteurs : Jamie Bell, Julie Walters, Gary Lewis, Jamis Draven
Note du film : 9/10

Dans le comté de Durham, au nord-est de l’Angleterre, Billy est un enfant de onze ans vivant dans un village minier. Tandis que sa famille et tous les habitants du village subissent la crise économique, Billy, lui, découvre la vie d’adolescent. Alors qu’il participe à un cours de boxe, il découvre que la salle est partagée avec un cours de ballet. Au départ dubitatif, Billy se trouve subitement attiré par la beauté de la danse. Pour éviter les critiques de son père, qui considère que la danse est une activité faite pour les femmes ou les homosexuels, Billy entreprend de prendre des cours en cachette. Tout le subterfuge est découvert lorsque sa professeure de ballet, Mme Wilkinson, décide de rencontrer le paternel pour lui annoncer que Billy doit passer les auditions du Royal Ballet à Londres. L’idée est refusée par son père mais Billy n’abandonne pas et persévère dans la danse.

 

Comme son titre l’indique, Billy est au cœur de l’épopée. C’est le portrait d’un moment clé de l’enfant qui réalise ses rêves et révèle sa personnalité. Pour ce moment charnière de la vie d’un jeune garçon, l’acteur principal devait être d’une justesse absolue. Stephen Daldry, le réalisateur, avait des exigences précises pour l’interprète de Billy : avoir l’âge du personnage, avoir l’accent du nord de l’Angleterre et posséder des bases en comédie et en danse. Avec cet important cahier des charges, ce sont plus de 2000 adolescents qui ont été auditionnés pour le rôle. Finalement, le réalisateur a porté son attention sur le jeune acteur Jamie Bell, à qui il a attribué le rôle de Billy.

 

Entreprise titanesque pour le jeune acteur qui jouait ici son premier film. C’est pourtant un défi relevé car le rôle va lui coller à la peau pendant de nombreuses années. Inconvénient lors du tournage, Jamie Bell, alors âgé de treize ans, connaissait les premières heures de la puberté. Pour la scène d’introduction, où Billy danse sur la chanson du groupe T. Rex, ce dernier a dû se raser les jambes. De plus, la voix du jeune acteur muait pendant le tournage, ce qui a valu à l’équipe technique de redoubler certains dialogues en post-production. Malgré ces désagréments, l’interprétation de Jamie Bell est remarquable et chaque scène de danses nous font ressentir la frustration de l’adolescent. Par des chorégraphies prenantes et évolutives, le spectateur perçoit nettement l’évolution de Billy.

Le réalisateur donne à son œuvre une allure de comédie musicale. Le long métrage est ponctué de scènes de danse où la caméra se place à hauteur de Billy. Son regard offre à l’image une certaine douceur mais aussi les doutes que traversent le jeune garçon. Parmi toutes les séquences musicales, celle de Billy qui expulse sa rage sur la musique Town Called Malice de The Jam reste la plus notable. La caméra filme un Billy dansant de manière chaotique et termine sur un long plan où le garçon tournoie sur lui-même jusqu’à percuter un mur. Cette scène illustre la frénésie que ressent le garçon de onze ans.

 

Au travers de cette fresque, la photographie se veut sobre voire pâle. Le gris devient la couleur principale, étant donnée que l’intrigue se déroule dans un village minier. Cette grisaille omniprésente reflète le désespoir des mineurs qui défendent une mine qui sera tôt ou tard fermée. Des couleurs plus vives apparaissent que très rarement à l’écran, symbolisant un sentiment de liberté, tel que le bleu de l’océan.

 

Le film est continuellement baigné de par sa musique. Son utilisation est minutieuse et reste mémorable grâce à des morceaux cultes des années 70 – 80, comme Get in On de T. Rex, ou London Calling du groupe The Clash, qui rappellent le milieu populaire d’où provient le jeune garçon. Le lac des Cygnes de Tchaïkovski devient le leitmotiv de Billy qui l’accompagne dès son premier cours de ballet jusqu’à la dernière scène de danse. Toutes ces musiques résonnent avec les émotions de Billy. La danse, et la musique qui l’entraine, agissent comme un défouloir pour le jeune garçon.

 

Certes, Billy Elliot donne envie de danser, par toutes ces musiques entrainantes et ces chorégraphies. Cependant, le film est aussi enveloppé par une forme de dépression, une certaine morosité. Personne n’est épargné par la crise qui touche l’Angleterre. Tous les décors sont à l’image de ce pays qui souffre d’une difficile conjoncture économique. Que l’on passe des familles pauvres vivant en promiscuité dans de vieilles bicoques à la famille de classe moyenne, le sentiment de tristesse est général. Dans cette petite ville minière, la vie ressemble plus à de la survie.

Pour Billy, c’est aussi un passage à l’âge adulte qui s’amorce. Il prend petit à petit conscience des réalités qui l’entourent, notamment du chômage de son père et de son frère. A cela, s’ajoute l’ombre du deuil, par la mort de sa mère. Par ce décès, chaque membre de cette famille réagit différemment à cette disparition. Le père devient un homme aigri et désespéré. Tony, le frère, se mure dans le silence, n’abordant jamais le sujet. Enfin, la grand-mère, sénile, n’a pas conscience de la situation. Quant à Billy, il tente de trouver du courage pour affronter la disparition de sa mère. Mais ne se sachant pas comment vivre face à cette affliction, Billy devient grossier ou violent pour évacuer sa colère : tel un enfant de son âge en deuil.

 

Ironiquement, Billy n’exprime pas son agressivité par la boxe. Au contraire, il rejette ce sport. Pour lui, c’est une activité qui ne lui permet pas d’exprimer sa hargne. La danse lui permet d’extérioriser sa peine, de se libérer d’une grande frustration, notamment celle d’avoir perdu sa mère. La personne qui l’aide à évacuer sa rage, c’est sa professeure de danse, qui le pousse à exprimer ses sentiments par ce sport. Par son enseignante, Billy voit en elle une mère de substitution. Parfois autoritaire, constamment avec une clope au bec, elle fait tout de même preuve de bienveillance et d’affection envers Billy. Ce que l’enfant recherche le plus.

 

En dehors de l’apprentissage de la danse, la pomme de discorde reste la grève des mineurs des années 84-85. Cette contestation ouvrière se dévoile en tant que toile de fond de l’histoire de Billy. Dans de rares scènes, le réalisateur se focalise sur la lutte ouvrière, montrant les dissensions entre le gouvernement et les miniers. Gouvernement qui n’apparaît jamais à l’écran. L’ancienne première ministre, Margaret Thatcher, n’est d’ailleurs jamais citée. C’est la police qui devient l’avatar du pouvoir. Dès la première scène du film, les policiers sont à l’horizon. Plus tard, Debbie, l’amie de Billy, s’amuse à faire sonner son bâton sur des grilles métalliques puis sur des boucliers des forces de l’ordre. Aucunement interrompue, la présence policière devient un décor. Enfin, la scène où Tony est arrêté par les forces de l’ordre, resitue le spectateur dans la torpeur que vivent les ouvriers britanniques.

 

Dans cette Angleterre des années 80, le pays est en dislocation par cette crise économique et sociale. Le monde industriel se fracture depuis l’arrivée de Margareth Tchatcher au pouvoir. Issu d’une famille précaire, Billy se retrouve malgré lui pris dans un conflit politique qui le dépasse. Le père veuf et son grand frère sont deux mineurs en grève, se battant pour revendiquer leurs droits. L’histoire de Billy paraît donc aux antipodes de ces rêves. Cette observation, sur le soi-disant égoïsme de Billy, est un des reproches dirigés contre le film. Il ne s’intéresse pas à la grève et préfère fuir la misère. Cette critique est d’une forte sévérité car chaque enfant, vivant dans un milieu précaire, aspire à mieux et souhaite quitter la pauvreté.

A l’écran, c’est un contraste brutal entre la douceur du ballet contre les affrontements des grévistes. Plus généralement, le monde de la danse est méprisé par les miniers : un milieu qu’on dit « fragile » face à un univers brut. Tout ce choc de culture n’est perçu que par le prisme d’un enfant. Billy grandit dans un monde déjà stéréotypé, qui gagne en désordre à cause de la crise. Parmi toutes les scènes du film, Billy n’assiste à aucun cours dans une école. Comme si, dans ce nord de l’Angleterre, tout était en train de se désagréger. Les simples repères pour un enfant sont brouillés.

 

Stephen Daldry a eu comme tâche ardue d’aborder des thèmes qui, mal utilisés, tombent rapidement dans des écueils. La tolérance, thème principal, est visible par deux prismes : notre sexualité et nos passions. Le meilleur ami de Billy, Michael, se dévoile être homosexuel. D’abord surpris, Billy ne renie pas pour autant son amitié avec Michael. En parallèle, Billy rencontre la fille de sa professeure de danse, Debbie. Plus séductrice, le garçon découvre l’hétérosexualité auprès d’elle. Ainsi, Billy apprend les deux faces possibles de la sexualité, qu’il accepte pour tracer son propre chemin.

 

Cette ambivalence est aussi présente entre les cours de boxe et de danse. L’un fait pour les hommes hétérosexuels l’autre pour les femmes ou les homosexuels. Cette idée est surréaliste pour Billy, qui défend corps et âme le ballet envers son père. Le garçon tente d’expliquer son amour pour la danse en récitant une liste de danseur hétérosexuels, prouvant que rien ne lui oblige à changer de sexualité. Dans cette œuvre, ce sont les femmes qui transmettent les diverses formes d’arts. D’abord par sa mère qui lui apprend quelques morceaux de pianos, puis par Mme Wilkinson qui lui enseigne des cours de danse. Ce sont elles qui donnent chacune une part d’indépendance artistique et d’activisme – ce que Billy utilise pour dissocier « l’homme en tutu » et « l’homosexualité ».

 

Sur le papier, Billy Elliot est un pari risqué. L’histoire d’un enfant rêvant d’être un danseur peut subitement devenir un mélodrame insipide. Cependant, Billy Elliot reste une œuvre mature tout du long. Mis à part deux scènes candides, l’histoire de Billy est légère, sans être mielleuse. Avec une caméra à hauteur d’enfant, le spectateur est invité à suivre les péripéties du garçon. La candeur est évidemment perceptible à l’écran, mais le réalisateur n’oublie jamais de nous rappeler les réelles discordes, illustrées par la grève.

 

Fable d’une émancipation sociale, Billy Elliot allie parfaitement cinéma activiste anglais et comédie musicale. En guise de recommandation, The Full Monty de Peter Cattaeno retrace l’histoire d’un groupe de minier au chômage, qui monte un groupe de strip-tease masculin afin de gagner de l’argent. Plus tardif, Sing Street de John Carney raconte l’aventure d’un lycéen qui constitue un groupe de rock. Ce dernier est perçu comme la suite spirituelle de Billy Elliot.

Alexandre

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