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Bigbug

Réalisateur : Jean-Pierre Jeunet
Scénario : Jean-Pierre Jeunet ; Guillaume Laurant
Sortie : 2022
Acteurs : Elsa Zylberstein ; Isabelle Nanty ; Stéphane De Groodt ; Claude Perron ; Youssef Hajdi
Note du film : 1,5/5

Neuf ans d’absence et voilà le résultat. Depuis l’échec en salle de L’Extravagant voyage du jeune et prodigieux T. S. Spivet (2013), c’est une traversée du désert que le cinéaste Jean-Pierre Jeunet a connu. Durant tout ce temps, le cinéaste avait planché sur deux projets : un film érotique (surement inabouti) et une œuvre traitant de l’intelligence artificielle. Cette seconde ébauche a finalement été financée par Netflix en 2019 ; et on peut dire que la plateforme de streaming ne sied guère au réalisateur car le rendu de Jeunet ne paraît pas être à la hauteur de ses précédentes créations.

 

Bigbug se déroule dans le futur de 2045, où la Terre est baignée dans le réchauffement climatique, et l’humanité absorbée par la technologie. Les robots sont partout ; dans la rue, à la télévision, comme dans les plus hautes sphères du gouvernement. En prenant conscience que l’humain est futile, les androïdes décident de prendre le pouvoir pour devenir la race supérieure. Durant ce coup d’état, une famille doit subir un confinement forcé et tente de s’échapper de son foyer futuriste pour comprendre ce qui se déroule dans un monde en pleine guerre.

En sortant de ce capharnaüm cinématographique, on se demande quel était le but de Jean-Pierre Jeunet pour ce projet. Depuis dix ans, les films sur les dérives de la technologie (Ex Machina (Alex Garland, 2014), Her (Spike Jonze, 2013)) jalonnent notre quotidien. Le cinéaste français a voulu apporter sa pierre à l’édifice en ajoutant sa vision acide de la situation. Là où l’envie paraît louable, le rendu final est plus que poussif et lacunaire. En effet, le postulat de départ est un simple vaudeville dans le futur. On retrouve la femme, l’amant, le mari divorcé, etc… En somme, c’est l’émulsion d’une comédie de situation sur fond de condamnation technologique.

 

Outre le fond, qu’en est-il de la forme ? Malheureusement, tout est laborieux. A l’exception des robots Monique et Einstein, tous les personnages sont insipides. Les protagonistes féminins le sont tout particulièrement, et semblent être créés pour être des « hystériques ». On est bien loin d’Amélie ou de Mathilde recherchant Manech. Ce qu’on peut en tirer de ces protagonistes, c’est de savoir comment des êtres humains agissent face à un environnement hostile. Encore une fois, l’angle d’attaque est intéressant et la claustrophobie du lieu acerbe cet ensemble – jusqu’à transformer une banale discussion en prise de bac. Nos héros suffoquent dans ce foyer et les corps en chaleur invitent à des relations charnelles. Néanmoins, tout est exagéré au point de rendre n’importe quelle interaction insupportable. Même si Jeunet adore forcer le trait (et il l’a déjà fait avec beaucoup de talent dans le passé), cette fois-ci tout est libidineux, voire racoleur dans certaines scènes.

Et ce qui met aussi à mal le cinéaste, c’est bien sa réalisation. On retrouve les gimmicks du cinéaste – tels que des gros plans mêlés à de courtes focales pour rendre un visage étrange et gonflé. Pour autant, l’introduction du film semblait nous inviter à une nouvelle expérience. En effet, le prologue met en avant ses protagonistes mais également la maison. Ce foyer à la fois high-tech et rétro propose des installations futuristes faisant pivoter, élargir ou déplacer certains éléments du décor. On pouvait s’attendre alors à une caméra fluide, voltigeant dans son environnement. Un procédé faisant surface au départ mais qui s’estompe malheureusement au deuxième segment du film. Hormis certains accessoires, tout est vide d’intérêt, et cette mise en scène ne suffit pas à sublimer ce petit monde enchevêtré. En somme, c’est une réalisation en huit clos soporifique.

 

Enfin, au lieu d’apporter de l’importance à ses personnages vivants, Jeunet surcharge sa vision pessimiste et acerbe des robots. Malgré ce ton sibyllin d’un futur contrôlé par des androïdes, tout est si insipide que rien ne paraît effrayant ni même satyrique. La menace physique s’apparente à un Terminator ridicule, prenant du plaisir à réifier l’Homme. Ce robot, que l’on présente comme une arme fatale, est maîtrisable si facilement que la farce technologique est difficile à avaler. Certains pourront être surpris, peut-être même déçus, de la justification poussant ces IA à prendre les armes face à l’humanité.

 

Après neuf ans d’absence, on ne peut qu’être désolé face à cet aboutissement. Déception d’autant plus grande que le synopsis était (pourtant) attirant. Jeunet énonce que si l’humain n’est plus capable d’agir selon sa propre autonomie et son libre arbitre, il sera indéniablement asservi. Par ce manque de discernement, la technologie, plus lucide de sa supériorité, prendra le contrôle de ce qui l’entoure. Thématique louable et pertinente, qui était mieux travaillée dans Alien, la résurrection (1997) du même réalisateur. Néanmoins, l’ombre au tableau est que le cinéaste ne paraît pas comprendre son discours, ni même l’environnement qu’il aborde.

 

Alors pour faire passer la pilule, il est souhaitable de découvrir d’autres œuvres du cinéaste qui ont marqué le cinéma français – telles que Delicatessen (1991), Le fabuleux destin d’Amélie Poulain (2001), ou encore Un long dimanche de fiançailles (2004) (avec le regretté Gaspard Ulliel). On espère que ce ratage n’est qu’une simple erreur de parcours et que les nouveaux projets de Jeunet auront autant de panache que ses anciennes productions.

Alexandre

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