Nope

Réalisateur : Jordan Peele
Scénario : Jordan Peele
Sortie : 2022
Acteurs : Daniel Kaluuya ; Keke Palmer ; Steven Yeun ; Park Brandon Perea
Note du film : 4/5

Avec le raz-de-marée qu’était Get Out (2017) et le succès mitigé qu’a rencontré US (2019), Jordan Peele est humblement reconnu comme un maître de l’horreur et du suspens (aux côtés d’Ari Aster et David Robert Mitchell). Outre son talent à maîtriser l’épouvante sur grand écran, Peele est également ovationné pour toutes les thématiques qu’il traite au sein de ses œuvres – telles que l’Afro-américanisme. Nope suit la droite lignée de sa filmographie en jouant avec des forces venues du ciel, tout en proposant une analyse acerbe de la société étasunienne. Pourtant, quelque chose coince dans l’appréciation complète de ce blockbuster.

Nope retrace l’histoire d’OJ et Emerald, deux éleveurs de chevaux dans le désert Californien. Suite à la mort de leur père de manière inexpliquée, ils remarquent des activités inhabituelles dans le ciel, juste au-dessus de leur ranch. Avec l’aide d’Angel – un vendeur de caméras de surveillance – le trio tente d’élucider ces phénomènes paranormaux et de prendre une photo de cet engin volant se cachant dans les cieux.

 

De prime abord, l’œuvre semble se positionner sur les traces de Rencontre du troisième Type (Steven Spielberg ; 1977), avec des individus vivant hors de la société qui vont être témoins d’une rencontre extraterrestre. Néanmoins, le postulat de départ est vite renversé par une envie débordante de la part du cinéaste d’étendre son spectre d’analyse. Jordan Peele a affirmé en interview qu’il s’est inspiré du travail de Spielberg, notamment Jurassic Park (1993), de Signes (M. Night Shyamalan ; 2002) et même de Neon Genesis Evangelion (Hideaki Anno ; 1995 – 1996). Cette multitude d’influences fait de Nope un film fascinant, rempli de symboles.

En dépit de la volonté d’exhiber une splendide culture cinématographique, Nope est ce que l’on peut appeler un film « fourre-tout ». Sans aucune péjoration dans la formulation, l’œuvre est indéniablement trop gonflée. Un pari risqué, car le public peut se perdre sans avoir toutes les références citées par le cinéaste.

 

Pour décanter tout cela, il est intéressant de prendre un exemple dans la filmographie de Jordan Peele. Il est aisément reconnu que l’artiste est engagé politiquement, et chacun de ses films recèle d’un contenu brut et d’une sous-intrigue qui s’apparente à un pamphlet acide de la société. La plus belle illustration reste Get Out qui s’ouvre comme un film d’horreur et devient au fur et à mesure une critique sur la discrimination raciale envers la communauté Noire.

 

Nope se présente de la même manière : toute l’intrigue tourne autour d’un OVNI surplombant le ranch familial, mais la véritable thématique de l’œuvre est sous-jacente. En passant par la sitcom des années 1990, le travail des dresseurs animaliers à Hollywood ou encore la chasse du monstre, le film fourmille d’informations. Peut-être trop. Faut-il voir y un film traitant de la violence que subissent les animaux – et plus précisément au cinéma – avec l’exploitation hippique ? Une observation pointue du « grand spectacle » menant désespérément à la déchéance à cause de l’importance acerbe du sensationnel ? Ou tout simplement un état des lieux du 7e art, voire même de la blacksploitation (courant culturel et social des années 1970 qui a revalorisé l’image des Afro-Américains en les présentant dans des rôles dignes et de premier plan) ?

En toute honnêteté, la lecture de Nope est un gigantesque puzzle, difficile à résoudre. Cette énigme cinématographique n’est pas encore résolue car de nombreuses théories pullulent un peu partout. Toutes celles citées semblent concorder, mais dans cette compréhension vague de l’œuvre, les critiques négatives ont largement frappé le film. Malgré ce déchainement négatif, Nope est ce genre de film qui ne laisse pas indifférent.

 

Observer le ciel devient une obsession, et Peele transforme cette traque de l’OVNI en une obligation séduisante et prenante. Regarder l’horizon devient dès lors une appréhension pour les personnages, et un jeu de pistage pour le spectateur qui espère découvrir la soucoupe volante à travers les nuages. En somme, Peele offre une réalisation soignée où notre regard est en continuel mouvement. Sans oublier une séquence finale jouissive faisant virevolter le sable du ranch, et ressentir une attaque furieuse de l’OVNI – tout cela accompagné par une musique dantesque. Une telle perfection de mise en scène, qui en fait presque oublier ce scénario alambiqué.

Tout ce que l’on peut retenir, c’est que Peele est un créateur singulier. Il est si agréable de voir un artiste parfaire un tel blockbuster – surtout avec l’étiquette de créateur indépendant, dans un cinéma actuel « pro-franchise ». Nope confirme l’habile maîtrise du cinéaste à rendre son environnement angoissant. Les dents de la mer (1973 ; Steven Spielberg) nous faisait appréhender la mer, Nope nous fait douter de ce qu’il se passe dans le ciel.

Alexandre

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